06/10/2020
Portrait
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Ceux qui font l'Anses - Stephan Zientara "Faire des découvertes et améliorer la prévention des maladies"

Stephan Zientara, 56 ans, est vétérinaire et virologiste. Il travaille à l’Anses sur les maladies infectieuses animales, zoonoses et maladies vectorielles.  
Inspecteur général de santé publique vétérinaire – Directeur de l’unité mixte de recherche Anses/INRAE/ENVA – Directeur–adjoint du laboratoire de santé animale, site Anses site d’Alfort.

"Avec l’intrusion de l’Homme dans la nature, les virus émergent plus facilement"

stephan zientara

Vétérinaire de formation, j’ai voulu m’orienter dans la recherche pour mieux comprendre et lutter contre les maladies animales. Je travaille, avec mes collègues de l’unité, depuis 30 ans sur les virus qui touchent différentes espèces comme le chien et le chat, le cheval ou encore les bovins. Certains de ces virus, comme par exemple les virus de la fièvre aphteuse chez les ruminants ou de la peste équine chez les chevaux, sont responsables des plus grandes maladies animales et représentent de véritables menaces dans les élevages mais aussi pour la santé publique en général. J’étudie particulièrement les maladies vectorielles comme la fièvre catarrhale ovine qui touche essentiellement les moutons et se transmet par des moucherons. Certaines de ces maladies n’affectent pas uniquement les animaux :  par exemple la maladie de West-Nile est véhiculée par un moustique et peut causer des troubles neurologiques voire la mort chez les chevaux mais aussi chez l’Homme. Avec l’intrusion de l’Homme dans la nature, les contacts avec les animaux sauvages sont plus fréquents, de nouveaux virus émergent et circulent plus facilement entre les espèces. Les insectes vecteurs se multiplient également avec un climat plus favorable à leur prolifération mais aussi avec les transports qui s’amplifient. Aujourd’hui nous pouvons faire le tour du monde en quelques heures !

"Etre à la fois spécialiste à la pointe d’une thématique et en phase avec la vraie vie" 

Ces virus sont très complexes à étudier et les travaux que nous menons avec mon équipe permettent de comprendre comment ces virus sont capables d’infecter un cheval, un moustique et un homme et pourquoi ils ne vont pas infecter d’autres espèces. Pour mieux appréhender ces phénomènes dits de franchissement de la barrière des espèces, nous avons des projets de recherche fondamentale qui visent à étudier les interactions virus-cellules de l’hôte infecté, c’est-à-dire comment il infecte les cellules, comment il interagit avec les composants cellulaires, comment il échappe à la réponse de l’hôte. Aussi, pour pouvoir détecter rapidement un virus, nous mettons au point des tests, comme par exemple un test sérologique qui permet de détecter les anticorps  produits chez l’animal infecté, qui pourra être ensuite utilisé par les vétérinaires. On parle alors de recherche appliquée. C’est très stimulant d’être à la fois spécialiste à la pointe d’une thématique et d’être en lien avec le terrain auprès des professionnels. J’échange aussi bien avec des acteurs du monde agricole que des confrères lors de congrès scientifiques. C’est une richesse de pouvoir faire des découvertes, d’améliorer la prévention des maladies et finalement de voir l’impact de nos avancées dans la vraie vie. On a besoin de la recherche pour disposer des données et je pense qu’il est également important d’avoir ce recul scientifique pour être en phase avec les réalités du terrain.

"Etre en appui pendant les crises comme la COVID-19"

Avec mes collègues, notre mission c’est aussi d’être en appui aux décisions publiques et aux actions de lutte. Le laboratoire détient des mandats de référence pour la majorité des maladies animales. Cela veut dire que nous établissons les méthodes qui servent à réaliser les analyses officielles pour identifier la présence d’un virus chez un animal. Nous essayons de déterminer rapidement l’émergence d’un virus pour éviter sa propagation. Dans le cadre de cette activité, nous animons des réseaux de professionnels et d’organismes nous permettant d’être en veille permanente. J’ai vécu beaucoup de crises où il faut réagir vite pour isoler le virus et confirmer son identification. Dans le cadre de l’épidémie actuelle COVID 19, une équipe de l’unité (dirigée par la professeure Sophie Le Poder) a détecté le premier chat français infecté par le SARS COV 2. Nous savions que les chats pouvaient être sensibles à ce virus. Nous avons mis en place un système de vigilance et activé différents réseaux comme celui des vétérinaires afin d’être au courant dès qu’un symptôme suspect était signalé chez un chat. Ainsi, nous avons pu identifier le chat malade et faire les analyses pour confirmer la souche du virus SARS COV 2. Cette découverte a fait l’objet d’un article scientifique dans la base de données Pubmed qui est le site de référence en médecine et biologie.