Flamme
22/10/2015 4 min

Pour prévenir le risque d’incendie domestique en France, privilégier des mesures alternatives au traitement des meubles rembourrés par des retardateurs de flamme

L’utilisation de retardateurs de flamme (RDF) dans les matelas et les meubles rembourrés pour réduire le risque d’incendies domestiques fait débat depuis plusieurs années. L’Anses a été saisie par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les risques sanitaires éventuels qui résulteraient de la généralisation du traitement des meubles rembourrés domestiques par des RDF comme moyen de réduire le risque d’incendie et le nombre de victimes associées. Un premier rapport d’expertise, publié fin 2014, concluait à une efficacité limitée de l’utilisation généralisée des RDF dans les meubles rembourrés pour faire diminuer significativement la gravité des incendies domestiques. Ce rapport préconisait par ailleurs la mise en œuvre d’autres mesures de gestion du risque incendie. L’Agence publie ce jour le deuxième volet de l’expertise, relatif aux risques sanitaires et environnementaux. Les données sur les substances utilisées sont inégales du point de vue de leur disponibilité et de leur qualité et ne permettent pas d’exclure une toxicité potentielle pour la santé et/ou des effets sur l’environnement. Dans ce contexte, l’Agence recommande de ne pas généraliser le traitement des meubles rembourrés domestiques par des RDF. Elle recommande de privilégier et de renforcer la mise en œuvre d’autres mesures de sécurité incendie dans les logements, qui sont de nature à réduire la fréquence et la gravité des incendies, et qui ont prouvé leur efficacité dans les pays qui les ont mises en œuvre.

Chaque année, les incendies d’habitations font un nombre important de victimes. Le recours aux retardateurs de flamme (RDF) dans les meubles rembourrés domestiques pour réduire le risque d’incendies fait l’objet de débats. Les débats portent d’une part sur leur efficacité contre le risque incendie, en raison notamment de la difficulté à cerner précisément l’origine de ces incendies, et d’autre part sur les risques potentiels pour la santé et l’environnement liés à l’exposition à ces substances chimiques.

L’Anses a été saisie par la DGCCRF pour réaliser une expertise portant sur les risques sanitaires qui résulteraient de la généralisation du traitement des meubles rembourrés domestiques par des RDF.

L’examen des données relatives à l’efficacité supposée des RDF pour réduire le risque incendie dans les habitations a fait l’objet d’un rapport d‘expertise publié en décembre 2014. D’une part, il n’existe pas de statistiques fiables sur les causes des incendies en France. D’autre part, l’analyse approfondie des données existantes dans les pays ayant adopté une législation conduisant à généraliser le recours aux RDF (Etats-Unis et Royaume-Uni) ne permet pas d’identifier la contribution spécifique du traitement des meubles rembourrés dans la baisse de la gravité des incendies domestiques. Ce rapport suggère également une série de propositions qui ont été confirmées par la suite des travaux.

Le deuxième volet de l’expertise, publié ce jour, traite des effets sanitaires et environnementaux potentiels des RDF utilisés dans les meubles rembourrés. L’objectif était d’identifier les RDF les plus utilisés dans les meubles rembourrés, et d’obtenir des informations sur leurs effets potentiels sur la santé et sur l’environnement.

22 substances chimiques identifiées, des effets toxiques potentiels sur la santé et l’environnement

L’évaluation des risques présentés par les RDF utilisés dans les meubles rembourrés a été confrontée à des difficultés d’accès à certaines données relatives à l’identité des substances utilisées, à leurs concentrations, et à leurs potentiels de migration en surface des meubles.

Toutefois, 22 substances ont été identifiées comme étant les plus utilisées actuellement comme RDF dans les meubles rembourrés. Les données concernant leurs effets sur la santé et sur l’environnement sont inégales du point de vue de leur disponibilité et de leur qualité. Cependant, l’expertise a montré que plusieurs de ces substances présentent en expérimentation animale une toxicité avérée ou suspectée sur la reproduction, un effet potentiel de perturbateur endocrinien, des effets sur la thyroïde ou sur le système immunitaire, ou sont potentiellement cancérogènes ou neurotoxiques.

De plus, plusieurs substances présentent une écotoxicité élevée et/ou sont difficilement biodégradables, et sont, dans ce cas, susceptibles d’être persistantes dans l’environnement.

Par ailleurs, l’expertise montre que la plupart des RDF se retrouvent dans les environnements intérieurs, l’air, et les poussières.

Parmi ces 22 substances, 19 ont fait l’objet d’un enregistrement au titre du règlement REACh. Pour les 3 autres, les données de toxicité sont très limitées, voire quasi-inexistantes.

Ainsi, pour chacune de ces 22 substances chimiques, les données disponibles ne permettent pas d’exclure une toxicité potentielle pour la santé et/ou des effets sur l’environnement.

Les recommandations de l’Agence

Au vu de l’ensemble de ces conclusions, l’Agence recommande de ne pas généraliser le traitement des meubles rembourrés par des retardateurs de flamme dans l’objectif de réduire le risque d’incendies domestiques.

L’Agence recommande notamment :

  • le recueil systématique d’informations sur les causes des incendies, par exemple sous la forme d’un « registre national des causes d’incendies », permettant de cibler les situations à risque ;
  • l’entretien régulier des détecteurs autonomes avertisseurs de fumées, dont l’installation a été rendue obligatoire en mars 2015 ;
  • le contrôle périodique des installations électriques et de gaz dans les immeubles d’habitation individuels et collectifs ;
  • la formation et la sensibilisation des populations potentiellement vulnérables à la prévention du risque incendie, ainsi que la mise en œuvre de campagnes de prévention des incendies domestiques, assorties d’une évaluation de leurs résultats.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de recenser les substances à usage de RDF et leurs teneurs dans les différents matériaux traités, notamment ceux importés dans l’Union européenne et d’améliorer les connaissances concernant leurs effets sur la santé et l’environnement.

L’Agence recommande également :

  • de développer des méthodes de mesures d’émissions représentatives des conditions réelles d’usage des objets rembourrés ;
  • d’adapter les protocoles de mesure d’émission et de migration des RDF en surface pour prendre en compte les facteurs liés au vieillissement des objets traités ;
  • de réaliser des études d’analyse du cycle de vie des meubles rembourrés traités pour lutter contre la dissémination des RDF dans l’environnement, et pour améliorer la protection des travailleurs exposés dans les filières de recyclage.