07/07/2023
Portrait
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Interview de Brice Laurent, directeur Sciences sociales, économie et société

Brice Laurent, Directeur Sciences sociales, économie et société

Enrichir l’expertise de l’Agence grâce au dialogue.

Quelles sont les ambitions de la nouvelle direction des sciences sociales, économie et société de l’Anses ?

Cela fait plusieurs années que l’Agence souhaite monter en puissance et renforcer ses compétences sur les champs des sciences humaines. Les objectifs sont de mieux comprendre l’effet de facteurs économiques et sociaux dans l’exposition aux risques, et de développer des méthodes pour mieux analyser les situations marquées par les incertitudes ou les controverses. La direction créée en 2022, à partir d’un noyau de compétences qui préexistait, compte désormais une douzaine de personnes avec des économistes, des sociologues, des politistes. Nous avons également mis en place un comité d’experts spécialisés en analyse socio-économique (ASE), qui fonctionne comme tous les comités d’experts externes intervenant dans l’évaluation des risques à l’Anses. Un travail méthodologique est en cours pour élaborer des référentiels et définir les bonnes pratiques dans le domaine de l’ASE, par exemple dans l’appréciation des déterminants socio-économiques d’exposition aux facteurs de risques, l’évaluation économique du fardeau sanitaire ou encore l’analyse des différentes options de gestion. Le but n’est pas de se substituer aux autorités mais de leur apporter les éléments les plus robustes possibles pour prendre des décisions. Dans tous les cas, les sciences économiques et sociales contribuent à explorer le champ des possibles pour nourrir le débat public.

 

En quoi les travaux en sciences économiques et sociales permettent-ils de renforcer l’expertise de l’Anses ?

Les travaux de l’Anses soulèvent des enjeux économiques et sociaux et ont des liens avec des choix de société et des débats qui dépassent souvent la question des risques, opportunités des nouvelles technologies comme la 5G, évolutions des modèles agricoles, etc. Le changement climatique pose aussi des questions cruciales d’inégalités d’exposition, de technologies d’adaptation ou visant à limiter les émissions, d’analyse des vulnérabilités… Dans ce contexte, des travaux d’expertise en sciences économiques et sociales sont menés dans tous les domaines de l’Agence, parfois directement pilotés par la direction, par exemple sur l’utilisation du cuivre en agriculture avec un développement méthodologique sur l’analyse des alternatives. Nous sommes attentifs aux sujets émergents. Dans le cadre de la nouvelle mission confiée à l’Anses sur les biotechnologies, nous participons à une expertise sur les nouvelles techniques d’édition génomique et leur application aux végétaux. Nous soutenons également un projet de recherche sur les services écosystémiques rendus par les pollinisateurs, afin d’évaluer des sources de vulnérabilités mais aussi de développer de nouvelles approches analytiques. Enfin, les sciences économiques et sociales permettent plus généralement de mieux comprendre les controverses en rapport avec les activités de l’Anses, les décrypter, suivre leur évolution mais aussi d’en tirer des leçons pour faire évoluer nos pratiques.

 

Comment maintenir et enrichir le dialogue avec les parties prenantes ?

Nous animons quatre comités et plateforme de dialogue avec les parties prenantes spécifiques à l’Anses. Le but est d’instaurer un dialogue de qualité autour des travaux de l’Agence, en s’assurant que la diversité des opinions s’exprime, et ainsi contribuer à générer un débat public constructif. Pour constituer le comité de dialogue « Environnement, santé et biotechnologies », installé en octobre dernier, il était essentiel de maintenir un équilibre dans la représentation des acteurs professionnels et associatifs des mondes agricole et médical. L’objectif est de dépasser le pour ou contre afin d’approfondir des positions souvent plus complexes. De façon générale, nous nous efforçons de concilier dialogue et expertise. L’expertise collective se fonde sur un cadre méthodologique rigoureux et une analyse de liens d’intérêts des experts scientifiques. Nous sommes persuadés que nous pouvons enrichir l’expertise de l’Agence grâce au dialogue, tout en maintenant nos exigences fortes en matière d’indépendance. Nous aimerions tirer parti des instances de dialogue encore plus que nous le faisons aujourd’hui. La recherche participative est une autre voie prometteuse que nous explorons, par exemple pour identifier des signaux environnementaux ou sanitaires.