28/09/2022

Celles et ceux qui font l’Anses – « J’étudie les parasites dans les produits de la mer » - Mélanie Gay

Mélanie Gay

Mélanie Gay est cheffe adjointe de l’unité Bactériologie et parasitologie des produits de la pêche et de l’aquaculture, au sein du laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses sur le site de Boulogne-sur-Mer. Elle est spécialisée dans l’étude des parasites qui infectent les poissons et qui sont susceptibles de provoquer des intoxications alimentaires chez l’être humain.

« J’ai développé les activités dans le domaine de la parasitologie des produits de la pêche à l’Anses »

À mon arrivée en 2005, il n’existait pas de travaux en parasitologie des produits de la pêche à l’Anses. Je me suis lancée dans le développement des activités sur cette thématique, à la fois en recherche et en référence. Dans le cadre de cette dernière activité, je suis adjointe à la responsable du laboratoire national de référence sur les parasites transmis par les aliments. Nous participons au développement et à la validation de méthodes pour détecter et identifier les parasites et nous réalisons des analyses dans le cadre des plans de surveillance et des demandes des pouvoirs publics.  

J’ai d’abord travaillé sur les Anisakidae, qui sont les parasites zoonotiques, c’est-à-dire transmissible à l’être humain, le plus fréquemment retrouvé dans les produits de la pêche en France. Il s’agit d’une famille de nématodes, c’est-à-dire des vers ronds non segmentés. Les Anisakidae parasitent les poissons de mer et leur ingestion par l’être humain peut provoquer des troubles digestifs et/ou allergiques.

« Je participe à des projets de recherche pour mieux comprendre pourquoi il y a plus de parasites dans certaines situations que dans d’autres »

Je participe à des projets de recherche pour mieux comprendre pourquoi certains poissons sont plus infestés par des parasites que d’autres. En effet, le niveau d’infestation peut fortement varier selon les saisons, les zones géographiques, les espèces… Nous menons à la fois des études sur des poissons pêchés lors de campagnes scientifiques faites en collaboration avec l’Ifremer, ainsi qu’au stade de la vente ou de la transformation. Ces travaux sont utiles à la fois aux professionnels de la pêche et aux autorités, pour déterminer les bonnes pratiques et les plans d’échantillonnage à mettre en place afin de vérifier l’absence de parasites.

« Nos résultats ont montré que les parasites mourraient au bout de trois jours de congélation »

Un de mes projets de recherche était consacré à l’effet de la congélation domestique sur les parasites. Cette étape est importante pour éliminer les parasites dans les produits de la pêche consommés crus ou insuffisamment cuits, par exemple en sushi ou en ceviche. Nos résultats montrent que les parasites sont toujours vivants au bout de 7 jours dans les congélateurs de catégorie 1 ou 2 étoiles, dont la température minimale est supérieure ou égale à -12°C, mais qu’ils mourraient au bout de trois jours dans les congélateurs de catégorie 3 et 4 étoiles, capables d’atteindre une température de -18°C.  

« Nous avons décrit la présence d’un parasite peu connu en Manche-Mer du nord »

En plus de nos travaux sur les Anisakidae, nous nous sommes intéressés plus récemment à un autre groupe de parasites, les trématodes. Il s’agit de vers plats non segmentés. Nous avons mis en évidence la présence de l’un d’entre eux, nommé Cryptocotyle, en Manche-Mer du nord pour la première fois au cours de la thèse de Maureen Duflot, que j’ai encadrée, et qui a été soutenue en 2021. Son caractère zoonotique est pour l’instant inconnu. Mais vu qu’il est proche d’autres espèces qui sont, elles, zoonotiques, il est intéressant de l’étudier de façon plus approfondie et de mettre en garde les professionnels de la pêche. Maureen Duflot prolonge ses travaux dans le cadre d’un post-doc financé par la région Hauts-de-France en collaboration avec le laboratoire de santé animale pour évaluer le potentiel zoonotique de Cryptocotyle.

Enfin, nous étudions un trématode d’eau douce, Clinostomum complanatum. Il n’a été trouvé en France que fin 2019. Il existe très peu de données sur ce parasite. On sait qu’il est zoonotique, mais les seuls cas connus d’intoxication alimentaire due à ce parasite ont eu lieu en Asie. Certains spécialistes estiment que c’est parce que les Clinostomum trouvés en Europe et en Asie appartiennent en fait à deux espèces distinctes, d’autres pensent que l’absence de cas en Europe s’explique par les différences de pratiques culinaires : les poissons d’eau douce sont traditionnellement plus consommés cuits en Europe.  

Ainsi, nous menons des recherches très appliquées en lien avec les professionnels et les autorités sanitaires mais aussi des recherches plus fondamentales, comme l’étude de la distribution des parasites dans les écosystèmes marins et la description d’espèces peu connues. J’apprécie particulièrement l’alternance de ces différentes approches. Par ailleurs, la diversité des parasites présents dans les produits de la pêche et le manque de données, sur leur distribution, leur taxonomie ou leur potentiel zoonotique, ouvrent de nombreuses perspectives de travail, à l’image des études engagées sur les trématodes !